Années folles

 

À l’instar de son ami André Gide, Blanche avait fait un mariage de convenance avec une amie d’enfance et ses relations avec sa femme restèrent vraisemblablement platoniques. Blanche, qui fréquentait beaucoup d’invertis, mais se défendait d’en être un, est proche de ce qu’on appelle dans le jargon homosexuel, une closed queen, c’est-à-dire quelqu’un qui vit son homosexualité de façon fantasmée. Quand Henri Ghéon lui apprend l’homosexualité de Gide, le peintre est choqué : « Comme j’aurais préféré que vous ne fussiez si franc. » À travers son ambiguïté sexuelle de dandy vieillissant, Blanche rejoint Rigaut qui cultivait l’art de plaire aux hommes comme aux femmes, tout en jouant au bel indifférent. Le peintre écrivain partage aussi avec Rigaut une certaine noirceur d’âme et la tentation du suicide qui l’accompagne : « Toute ma vie, j’ai eu le goût du suicide » confiera-t-il à l’historien d’art Charles Kunstler. « Le suicide, écrira-t-il dans son journal, devrait être non seulement reconnu légitime, mais conseillé. Dans chaque pharmacie, le client trouverait son moyen d’évasion, l’achèterait comme de l’aspirine contre les maux de tête. » Quant à Aymeris, roman largement autobiographique, auquel Rigaut contribuera en tant que conseiller et correcteur, Blanche le résume comme le journal d’un peintre à l’aube de sa vieillesse, « qui serait poussé au suicide après s’être engagé dans tant de voies sans issue qu’il sent, enfin, l’impossibilité d’être, qu’il faut disparaître. »

Jean-Luc Bitton : Jacques Rigaut, le suicidé magnifique

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