« Mon livre de chevet c’est un revolver »

 

Rigaut entretient un rapport ambigu avec l’écriture à laquelle il s’adonne de manière obsessionnelle tout en la considérant comme un activité dérisoire, mais indispensable à ses incessants questionnements : « Comme un homme qu’un sommeil indésirable se cogne la tête, j’écris. » En novembre 1919, le comité éditorial de la revue Littérature (Breton, Soupault, Aragon) posait aux « représentants » les plus qualifiés de diverses tendances de la littérature française cette question : « Pourquoi écrivez-vous ? » « Par faiblesse » déclara Paul Valéry ; « Parce que » répondit Blaise Cendrars. « Bon qu’à ça » répondit Beckett en 1985 au journal Libération qui avait mis à jour cette illustre enquête. Rigaut, beaucoup plus tard, donnera deux réponses non moins frappantes : « J’écris par peur. » « J’écris pour vomir » Il rejoint Valéry et ajoute : « Écrire n’est sans doute que le courage des faibles. » Quelques mois avant sa disparition, Rigaut confie à son ami Jacques-Émile Blanche qu’il a détruit tous ses écrits, un aveu démenti par la liasse de feuillets retrouvée dans sa valise. Quoi qu’il en soit, Rigaut se moque de la postérité : il écrit sur des pages d’agenda, des feuilles volantes, du papier à en-tête d’hôtel, des télégrammes, des morceaux de nappes de restaurant en papier, des télégrammes, des enveloppes usagées…

Jean-Luc Bitton : Jacques Rigaut, le suicidé magnifique

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