Alors, il n’y eut plus d’écurie, plus de village, plus
d’amis, plus rien que ce cheval éclatant dans la nuit, triomphal, et moi,
chétif, à le contempler. Tout le système sanguin était apparent derrière le
cristal, je voyais battre le cœur, palpiter les artères, refluer dans les
veines le sang ; de rouge, il prit la couleur de l’or, il embrasa les
quatre points cardinaux. Ce n’était plus la vie de Clotho, mais celle du
firmament, le mouvement du monde aux milliards d’étoiles, la gravitation
universelle. Alors, j’entendis tonner du ciel, mais comment transcrire une
parole céleste ? Dans la vallée, le prophète recueillit la parole, il s’en
fit une moralité à l’usage des hommes : « Si tu n’as plus de passion,
tu es le compagnon des morts. Si leur compagnie te déplaît, retourne en arrière
jusqu’à rencontrer ton premier désir, là est ton salut. Prends l’enfant par la
main, ne le lâche plus, sois vigilant et faites la route ensemble. Elle n’aura
pas de fin. »
Robert Pinget : Graal Flibuste
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