Ill. : Un livre recommandé par Neûre aguèce. Texte : Organes sans corps, Deleuze et conséquences par Slavoj Žižek, éditions Amsterdam.
Cette oscillation de Deleuze entre deux modèles de
devenir : le devenir comme effet impassible et le devenir comme processus
générateur n’est-elle pas semblable à l’oscillation dans la tradition marxiste
entre les deux modèles de réification ?
Il y a d’abord le modèle selon lequel la réification et
la fétichisation considère à tort que les propriétés d’un objet, dans la mesure
où cet objet fait partie d’un lien socio-symbolique, sont ses propriétés
« naturelles » immédiates, comme si les produits étaient en eux-mêmes
des marchandises ; et il y a le modèle plus radical du jeune Lukacs selon
lequel la réalité « objective » en tant que telle est quelque chose
de « réifié », est le résultat fétichisé d’un processus de production
subjectif et caché.
Ainsi, pour rester dans la même ligne que Deleuze, nous
ne devons pas confondre, à un premier niveau, les propriétés sociales d’un
objet avec ses propriétés naturelles immédiates et, dans le cas d’une
marchandise, sa valeur d’échange avec ses propriétés matérielles qui satisfont
nos besoins. De même, nous ne devons pas percevoir ou réduire un affect virtuel
immatériel lié à une cause corporelle à un affect venant des propriétés
matérielles du corps. À un second niveau, il nous faut considérer la réalité
objective elle-même comme le résultat du processus productif social, tout
comme, pour Deleuze, l’être réel est le résultat du processus virtuel du
devenir.
Chez Deleuze, la vie est toujours la réponse à la question « pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? », la réponse de Badou est plus sobre, plus proche du bouddhisme, et de Hegel : il n’y a que rien, et tous les processus prennent place « à partir de rien, à travers rien vers rien » comme le dit Hegel.
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