Nigromontanus

J’ai vu, dans les collections de l’Institut minéralogique de Leipzig, un cristal de roche d’un pied de haut, qui, lors de la percée du tunnel, avait été extrait des profondeurs mêmes du Saint-Gothard — un rêve de la matière, très solitaire et secret. Je nourris un soupçon bien proche de la certitude : à savoir qu’il existe parmi nous, des êtres choisis qui se sont depuis longtemps retirés des bibliothèques et de la poussière des arènes, entraînés par leur travail dans une retraite infinie, dans le plus ténébreux des Tibet. Je crois en des hommes qui veillent durant les nuits, dans des chambres solitaires, immobiles parmi ces rochers au cœur desquels brille le courant qui fait tourner au loin les roues des moulins et qui maintient en mouvement l’armée

Ernst Jünger : Le cœur aventureux (1929)

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