« Soyez rares »

 

Ill. : Exorcisme des démons à Arezzo (détail) par El Giotto. Source : Les Secrets de Sodome par David Alliot, un siècle et demi d’homosexualité clandestine, éditions Plon.

Assez cohérente dans sa doctrine et dans la ligne droite du message divin exprimé dans la Genèse : « Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la », le « crime de sodomie » englobait indistinctement toutes les pratiques sexuelles considérées comme « stériles », allant de la masturbation au coït anal en passant par la fellation, jusqu’à la « bestialité », ou zoophilie. Cette conception, assez large n’était pas sans causer quelques situations qui, aujourd’hui, nous paraîtraient cocasses, car, assez curieusement, quand deux femmes pratiquaient une masturbation réciproque, on parlait alors de « sodomie entre femmes. »

Ce crime englobait de nombreuses pratiques qui n’étaient pas toutes juridiquement condamnables. Selon les docteurs de l’Église, qui se sont intéressés de très (trop ?) près à la question, le « crime de sodomie » stricto sensu consistait en l’introduction du « membre viril dans le vase postérieur », « coïtus in vase proepostero » pour les latinistes, mais avec des exceptions. Un homme qui sodomisait sa femme n’encourait pas de sanctions, on parlait alors de « sodomie imparfaite. » Certes, c’était moralement répréhensible, puisque non fertile, mais n’entraînait aucune poursuite judiciaire, à condition que cela reste l’exception. Une confession, quelques prières, et le tour était joué.

Il en était de même pour la masturbation, qu’elle soit pratiquée en solitaire, ou avec un autre homme, qui était qualifiée de « crime de mollesse. » Elle était aussi moralement condamnable puisque l’homme gaspillait inutilement sa semence, mais n’entraînait pas de poursuites judiciaires. Dans l’absolu, pour être condamné pour « crime de sodomie », il fallait impérativement la pénétration du membre viril d’un homme dans l’anus d’un autre. Et s’il y avait « insémination » du deuxième par le premier, on parlait alors de « sodomie parfaite » puisque l’actif avait pris du plaisir à cet acte.

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