Source : La Part du feu par Maurice Blanchot, éditions Gallimard, relecture en cours.
Toute sa vie, Rimbaud a exprimé l’horreur du travail,
un besoin invincible de repos et de sommeil. « Le meilleur, c’est un
sommeil bien ivre », « sommeil dans un nid de flammes »,
« le sommeil de la virginité », « corbillard de mon
sommeil. »
On peut bien dire que, tant qu’il a été écrivain, il a
cherché, en écrivant, à réussir une véritable percée au sein du sommeil, à
s’enfouir dans une stupeur auprès de la quelle la mort n’eût rien été, dans un
néant qui, bien plus que la mort, eût assuré la fin de la vie. « Qu’est
mon néant auprès de la stupeur qui vous attend ? »
Plus tard, condamné par son choix à un travail
« atroce », « absurde », « abrutissant », il n’a
qu’une obsession : se reposer, « racler, à force de fatigue, de quoi
se reposer. » Toutes ses lettres sont déchirées par l’expression de ce
besoin furieux, qui assurément, se manifeste sans délicatesse : c’est
qu’il ne s’agit plus de subtilité, ni de ruse. Il en arrive à souhaiter le
repos dans le mariage, le bonheur d’un « assis », une position.
Défaillance qu’on lui reproche. Mais elle ne fait que mieux valoir le point désespéré où le jette le besoin de sommeil, de n’importe quel sommeil, ses « Je suis extrêmement fatigué », « Ne vous fatiguez pas, c’est une chose déraisonnable », « Je dois passer le reste de mes jours errant dans les fatigues et les privations, avec l’unique perspective de mourir à la peine. »

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