Source : L’Apocalypse de Jean, traduite et commentée par Jean-Yves Leloup, éditions Albin Michel, collection Espaces libres, spiritualités vivantes, relecture septembre 2020-décembre 2025
Les quatre Cavaliers du livre de l’Apocalypse
symbolisent la force de dispersion et d’atomisation qui empêche l’intégration
et la réalisation du Soi. Les quatre fonctions non reliées au centre ou à
l’Agneau pervertissent l’homme et le détruisent. Les quatre Cavaliers sont les
quatre Vivants pervertis ou les quatre fonctions coupées de leur orientation
originelle : dans leur revendication d’autonomie, elles détruisent l’unité
de l’homme et du monde.
Il est dit du Cavalier blanc qu’il porte une couronne
et qu’il « va pour vaincre. » L’intuition coupée du cœur n’exprime
plus que la volonté de puissance, le désir de vaincre. Le cavalier n’est pas un
vainqueur sans victime ou sans vaincu comme peut l’être l’Agneau, il affirme sa
domination par la puissance d’une intelligence parfois plus que rationnelle,
organe privilégié d’un Satan ou d’un Dragon dont le but n’est pas de servir et
de construire l’homme mais de l’asservir et de le détruire.
On dit du cavalier rougeâtre qu’il entraîne la guerre,
« polemos », le conflit. Le sentiment qui ne se sent pas relié
au cœur du Sujet peut lui aussi mener une vie autonome et devenir passion,
jalousie, instinct de possession. C’est cette appropriation de l’être et de
l’autre qui va mener à la guerre : ce qui est à moi n’est pas à toi, ce
qui est à toi peut devenir à moi ; alors, l’ego, le Dragon dirige le
sentiment, l’éloignant de plus en plus de son centre qui est l’amour.
Il est dit du cavalier noirâtre qu’il entraîne la
famine. La volonté de domination débouche sur la guerre qui conduit à la
famine, telle est la logique des différents dévoilements provoqués par
l’ouverture des sceaux. Domination par une intelligence perverse, appropriation
par un sentiment perverti, voici maintenant qu’apparaît un appétit de
consommation qui exprime la même volonté de puissance. Cette consommation
entraîne l’épuisement de sols et la famine, de la même façon qu’une
consommation externe de biens sensibles épuise une authentique sensorialité et
dessèche le cœur.
Le quatrième cavalier est verdâtre, couleur de décomposition, il entraîne la peste. C’est le terme de l’enchaînement, volonté de puissance, guerre, famine, mort. Nous leur apportons la peste, aurait dit Freud à Jung en arrivant aux U.S.A. Cela ne veut pas dire que l’analyste est un instrument de mort et de destruction et qu’il conduit nécessairement au suicide, mais il est vrai que la perversion de la fonction analytique peut conduire à la décomposition, à la dissolution de l’homme et empêcher tout mouvement spontané, venant du cœur.

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