Parousie

Ill. : Christ (1965) par Ernst Fuchs. Source : L’Apocalypse de Jean, traduite et commentée par Jean-Yves Leloup, éditions Albin Michel, collection Espaces libres, Spiritualités vivantes, relecture septembre 2020-décembre 2025

Le temps, s’il se prolonge indéfiniment, ce n’est pas l’éternité, c’est même ce qu’on appelle l’enfer ou encore le samsara. Le temps, s’il s’approfondit ou s’il s’ouvre au non-temps, découvre l’éternité. La déchirure, la transparence est l’instant de cette ouverture, de ce passage, de cette Pâque : passage d’une totalité temporelle horizontale à une transcendance au temps qui serait éternité verticale. À l’écoulement fatal, et fractal du temps, le livre du visionnaire de Patmos oppose la révélation verticale de l’Instant. « Proche est l’Instant » affirme-t-il.

Dans cette déchirure du temps, « l’Être qui est ce qu’Il est », « Je suis », est là. « Le paradoxe du temps rend difficile l’interprétation de l’Apocalypse » disait déjà Nicolas Berdiaev, car « la fin de l’Histoire n’est pas un événement historique. La fin du monde est la fin du temps. » Le temps est extérieur à ce que nous sommes en profondeur, c’est une sorte de dessin aux formes variables sur un fond d’éternité : ce fond est silence  et lumière… « Je suis éternité lorsque je cesse de m’identifier au temps » écrivait Angelus Silesius.

La mort est la disparition du non-Soi, du non-Être, la fin du non-, l’évanouissement des fantômes, la fin des illusions. C’est la Bonne nouvelle toujours pénible à entendre du livre de l’Apocalypse. Les situations les plus catastrophiques de notre existence et de l’existence du monde en général sont peut-être de bonnes occasions de s’ouvrir au Réel : dans les situations d’urgence, en effet, il n’y a plus de temps pour les regrets ou pour les projets, nous sommes confrontés à la réalité de l’Instant et dans cet Instant se révèle le secret.

Ne peut mourir que ce qui est mortel : le temps, c’est-à-dire le mental qui objective et mesure cette réalité. Demeure l’essentiel : « le Vivant, le Vivace, le Vierge aujourd’hui » Pour s’éveiller à cela, les catastrophes sont-elles nécessaires ? A la déchirure du temps, on peut préférer sa transparence : la pratique de l’Apocalypse est alors une pratique de la vigilance, ou de méditation, un épuisement de l’épaisseur, l’expérience d’une insoutenable légèreté de l’Être, ce qu’on appelait, dans le christianisme ancien, d’un synonyme d’Apocalypsis, parousia.

Parousia : avènement de la pure Présence. Il n’y a que deux temps : le présent et l’absent. Ne meurent que les absents, les présents vivent à jamais.

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