La révolution française a permis aux projets
sabbataïstes et frankistes de renversement de l’ancienne morale et de la
religion de trouver un champ d’application : on sait en effet que les
neveux de Frank, que ce soit en vertu de leur « croyance » ou pour un
tout autre motif, ont joué un rôle actif dans les cercles révolutionnaires de
Paris et de Strasbourg. La Révolution leur apportait sans doute la confirmation
de leurs opinions nihilistes : maintenant, les piliers du monde semblaient
ébranlés et les anciennes coutumes en voie d’être renversées. Les croyants
attribuèrent à ces événements une double signification. D’une part, en tant que
spirituels sectaires et égocentriques, ils y voyaient le signe d’une
intervention divine en leur faveur ; leurs activités pourraient désormais
passer mieux inaperçues. La Révolution pouvait servir d’écran au monde de l’intériorité.
Ensuite, ils accueillirent favorablement l’anticléricalisme à la mode. L’auteur
frankiste de La Prophétie d’Isaïe décrit l’apocalypse en cours d’où doit
sortir une renaissance du judaïsme qui permettra de chasser les rabbins et les
autres faux dirigeants du peuple juif et qui le conduira à embrasser la foi du « véritable
Jacob », seule foi digne du « peuple du Dieu de Jacob. »
Gershom Scholem : Le Messianisme Juif
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