Source : Les nouveaux visages de la possession démoniaque par Marie Renaud-Trémelot, édition du Cerf, préface de Marie-Hélène Brousse, postface de Jacques Arènes.
Le « démonique » est un concept forgé par
Paul Tillich pour éclairer l’ambivalence au cœur même de l’homme pensé comme
créature marquée par le péché originel. Tillich pose donc une anthropologie qui
tient ensemble la destructivité et la créativité qui coexistent en l’homme, ce
que l’on peut rapprocher de l’interprétation freudienne du couple Eros et
Thanatos…
Les tensions, les contradictions supportées par le
démonique peuvent être source de créativité, comme d’un effondrement
narcissique sans fin lorsque la négativité prend le dessus et qu’il en devient
pur destructeur de forme. Pour Tillich, le démonique n’est pas à comprendre
comme une force satanique, ni comme une entité anti-divine, mais comme la
marque de la division du sujet, dans laquelle la créature inscrit sa liberté en
versant soit dans la créativité, soit dans la destruction.
Dans la perspective ontologique de Tillich, le
fondement d’être des choses constitue leur profondeur abyssale : « La
forme de l’être et son inépuisabilité vont de pair. Le divin, c’est leur unité
telle qu’elle se manifeste dans la profondeur de l’être. » Le démonique
est, au contraire, la manifestation de leur séparation dans l’existence,
l’apparition de l’abyssal dans les choses. C’est une dé-liaison relative d’une
profondeur liée dans le divin. Le satanique serait alors du démonique
« pur » inconditionné. Le démonique représente la pulsion de mort
encore liée.
Le démonique peut revêtir plusieurs visages, de l’Unheimlich,
l’intime étranger, jusqu’au démon satanique, pur destructeur de forme. À ce
titre, il peut être un puissant guide dans une analyse car « l’union avec
le démonique se paie de la destruction de soi : ou bien on réveille ce
démon qui habite chacun, toujours prêt à le perdre ; ou bien on met en
évidence l’aspect créateur dans le démonique, qui seule nous permet de parler
de lui, nous le faisons remonter des profondeurs, et le dépouillons du même
coup de sa substance. »
Ainsi, le démonique est un concept précieux pour penser la possession comme l’envers de la mystique : loin d’une figure tierce parfaitement extérieure au sujet, il permet de rendre compte des forces de dé-liaison à l’œuvre en chacun de nous. Celles-ci participent sans cesse à la destruction de la forme, conjointement à sa genèse en perpétuel surgissement.

Commentaires
Enregistrer un commentaire