« Je ne laisserai pas de Mémoires »

 

D’où vient ce besoin de ne chercher le vrai qu’au niveau de l’anecdote et par le faux du pittoresque ? Certes, nous le savons, chacun de nous est menacé par son Golem, grossière image d’argile, notre double d’erreur, la dérisoire idole qui nous rend visibles et contre laquelle, vivants, il nous est donné de protester par la discrétion de notre vie ; mais voici que, morts, elle nous perpétue : comment l’empêcher de faire de notre disparition, fût-elle la plus silencieuse, le moment où, condamnés à apparaître, nous devons répondre précipitamment à l’interrogatoire public en avouant ce que nous ne fûmes pas ? Et quelquefois ce sont nos plus proches amis, dans la bonne intention de parler à notre place et pour ne pas nous abandonner trop vite à notre absence, qui contribuent à ce travestissement bienveillant ou malveillant sous lequel on nous verra désormais. Non, il n’y a pas d’issue pour les morts, pour ceux qui meurent après avoir écrit et je n’ai jamais distingué dans la postérité la plus glorieuse qu’un enfer prétentieux où les critiques, nous tous, faisons figure d’assez tristes diables.

Tanja Jeremic :  Nude vampire with gloves
Maurice Blanchot : L’Entretien infini

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