Dieu pervers

 

Source : Les nouveaux visages de la possession démoniaque par Marie Renaud-Trémelot, édition du Cerf, préface de Marie-Hélène Brousse, postface de Jacques Arènes.

Arrêtons-nous un moment sur Genèse 17 : « Mais de l’Arbre de la connaissance du Bien et du Mal, tu ne mangeras pas, car, le jour où tu en mangeras, tu deviendras passible de mort. »

Il est étonnant que cette sentence capitale soit corrélée au fait de manger des fruits de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, et non pas de transgresser un interdit autour de l’arbre de vie, qui, finalement, lui aussi est essentiel puisqu’il est « au milieu du jardin » et pourtant distinct de celui de la connaissance. De cette sentence pour le moins surprenante, A. Wénin pointe la fine ambiguïté sémantique : l’homme, s’il mange le fruit, mourra. Mais Dieu avertit-il ici l’homme du danger qu’il encourt s’il mange du fruit, ou bien présente-t-il la mort comme le châtiment de la désobéissance ?

Nous avons selon l’interprétation que l’on fait de ce verset, soit un Dieu autoritaire, empêchant l’homme de jouir du bon et du beau, soit un Dieu soucieux de l’homme, bon, protecteur. Deux grandes figures de l’Autre, en somme.

L’ambiguïté de cette sentence conduit l’homme à méconnaître le « statut » de cette limite posée par Dieu à sa jouissance et à son désir. Cette limite est-elle bonne ou mauvaise pour lui ? Il ne peut répondre à cette question. Nous retrouvons le Che vuoi de Cazotte, que nous avons évoqué précédemment.

« C’est la raison pour laquelle l’arbre est désigné par ce nom : il ne permet pas à l’humain de connaître ce qui est bien et mal et puisqu’il ne peut pas le savoir, il va devoir faire confiance ou au contraire, se méfier, bref, faire un choix dont il ne saura non plus s’il est bon ou mauvais. Parce que cet ordre cache YHWH Elohim qui n’en explicite pas la visée, il a un caractère opaque pour l’humain qui le reçoit.

Celui-ci connaît donc une double limite : l’une affecte la jouissance, le manger, l’autre, le connaître, l’enjeu explicite de la vie et de la mort. » Faire confiance à Dieu ou se méfier de lui, l’homme doit ici opérer un choix : Dieu est-il un Autre bienveillant ou bien un Autre mauvais et persécuteur.

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