Dans les derniers paragraphes de son autobiographie,
Gershom Scholem raconte la manière dont son destin s’est scellé à Jérusalem
grâce à deux pages sur la bisexualité du palmier dans la Kabbale. En ces temps
pionniers, lord Balfour qui avait couvert de son autorité le projet
d’installation d’un foyer national juif en Palestine présidait à l’inauguration
de l’Université hébraïque. Celle-ci voyait elle-même le jour sous les auspices
de Félix Warburg précisément destiné à la création d’un institut qui se
consacrerait à l’étude du judaïsme sous tous ses aspects. Mangez avait entendu
parler de ce jeune homme venu de Berlin pour vivre dans le « vieux pays
nouveau » et qui subvenait à ses besoins comme bibliothécaire tout en
poursuivant ses travaux sur la Kabbale. Mais était-il compétent ? Dans la
commission chargée du recrutement, il avait ses défenseurs dont Martin Buber.
L’avis de ce dernier était indispensable, mais non suffisant, tant il avait
déjà la réputation d’être en froid avec les notes en bas de page. Il fallait
consulter d’autres savants : Julius Guttmann recommanda Scholem pour sa
culture philosophique et ses premiers travaux. Immanuel Löw quant à lui décida
qu’après avoir lu deux pages sur la bisexualité du palmier, « on pouvait
faire confiance à la personne qui avait écrit cela. »
Pierre Bouretz : Témoins du futur, philosophie et messianisme

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