La distinction entre sens littéral et sens spirituel,
entre figure et accomplissement ne s’applique pas seulement à l’Ecriture, mais
aussi à la vie. Il est possible, autrement dit, de regarder la vie, comme une
écriture dont les faits et les événements dans lesquels elle semble se résoudre
constituent le sens littéral, mais dont le sen spirituel, véritable, n’apparaît
qu’à celui qui sait les percevoir comme les figures d’un autre sens à
déchiffrer. Et de même que l’Ecriture peut se figer en un canon ou demeurer
vivante dans sa tradition, ainsi la vie peut-elle s’épuiser en une série d’épisodes
et d’anecdotes insignifiantes ou trouver au contraire son sens et sa vérité.
Tout comme dans l’Ecriture, l’interprétation des faits
et des épisodes de la vie n’est pas un fait ou un épisode supplémentaire, mais
leur accomplissement comme prophétie du sens spirituel. Comprendre une
existence signifie, autrement dit, voir les faits et les événements qui
semblent la composer comme des anges et des figures ; et, cependant, ici
aussi, la compréhension du sens littéral est, comme les théologiens ne cessent de
le rappeler, une condition nécessaire et incontournable de toute compréhension
ultérieure. En ce sens, toute existence se présente comme un ensemble
d’anecdotes qu’il faut, tout d’abord recueillir et consigner dans une
biographie, pour pouvoir ensuite, éventuellement, les interpréter et les
comprendre.
Giorgio Agamben : La Lettre et l’esprit

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