Source : L’Entretien infini par Maurice Blanchot, éditions Gallimard, relecture 2008-2025.
Dieu est mort. Cela signifie que la
souveraineté passe à la mort, selon les mots de Georges Bataille :
« Le souverain n’est plus un roi : il est caché dans les grandes
villes, il s’entoure d’un silence. » D’où il suit que Dieu préserve encore
et jusque dans la mort le sens de la Souveraineté, préservant de la mort la
Souveraineté qui se prononce en elle. Seulement, c’est maintenant à l’homme
qu’il revient de mourir.
Ce droit à la mort qu’il revendique
comme pouvoir est le plus ambigu. D’un côté, il est clair que si l’homme ne
finissait pas, il ne saurait rien, ignorant ce pouvoir de nier qui fonde la
possibilité du savoir. C’est parce que l’homme meurt que l’homme sait, et la
parole la plus usuelle, comme la plus positive, ne parle que parce que la mort
parle en elle, niant ce qui est et, dans cette négation prépare le travail du
concept. Cependant, depuis toujours l’homme meurt, et depuis longtemps, il sait
qu’il meurt. Pourquoi faut-il attendre l’époque moderne pour que le savoir de
la fin donne lieu à une positivité ambigüe capable de prendre l’homme pour
objet de recherche ?
La mort donne la possibilité en la retirant. Le statut de cette figure que les sciences humaines font surgir dans le champ du savoir en déterminant de mieux en mieux ses contours : à peine cette figure est-elle désignée qu’elle disparaît. De quoi est-il question dans ces sciences ? De l’homme ? Nullement. Cela supposerait qu’il y ait une réalité humaine déterminable comme telle, capable de devenir l’objet d’une connaissance scientifique globale. Où est l’homme lorsqu’on rencontre un homme ? Nous avons renoncé à des questions de ce genre.

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