Écoutez-moi bien : du fond des âges, les plus
sombres horreurs du sang, les frissons les plus mauvais de la terre viennent
vers nous, viennent vers moi ; les livres en parlent, je n’ai pas eu
besoin de les lire, je les connais. Toutes ces histoires se tiennent par-derrière, dans une immobilité rébarbative, et elles attendent : elles
attendent ce que je vais faire pour prendre forme sur ma vie. Personne, écoutez
bien, personne encore ne sait ce qu’elles seront, car elles n’ont encore jamais
eu lieu vraiment, elles n’ont été qu’un premier essai de rêve, tâtonnant,
recommençant, siècle après siècle, avant l’accomplissement véritable que
d’autres vont leur donner aujourd’hui. C’est maintenant qu’on va comprendre la
vérité des choses horribles, maintenant que cette existence d’autrefois, depuis
si longtemps en souffrance, qui pourrit dans nos maisons et les infecte, va se
montrer telle qu’elle doit être, va se décider et se juger à jamais, selon la
loi.
Maurice Blanchot : Le Très-Haut

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