Grosse Bertha

 

— Le héros disparaît de la conscience universelle. De même disparaît le nom, la personnalité. Quel culte nouveau a engendré la Grande Guerre ? Un seul, celui du soldat inconnu. Et le soldat inconnu est la glorification de l’antihéros : il est l’inaperçu, l’obscur revenant qui demeure dans la mémoire des peuples à titre d’oublié. Ce mémorial du non-souvenir, cette apothéose du sans-nom, est une invitation à reconnaître que le temps du héros, et de la littérature héroïque, est passé. Je ne le regrette pas.

Vous lui préférez le mythe de la fin des temps, cette peur d’une catastrophe mondiale avec laquelle on secoue jour et nuit les imaginations des hommes.

— Je n’ai pas à marquer de préférence, mais la possibilité à laquelle vous faites allusion est naturellement un signe de première grandeur. Quand, pour la première fois dans l’histoire du monde, on détient le pouvoir matériel de mettre fin à cette histoire et à ce monde, c’est qu’on est déjà sorti de l’espace historique. Le changement d’époque a eu lieu. Cela peut s’expliquer simplement : désormais : le monde est une bâtisse que l’on peut brûler.

Maurice Blanchot : L’Entretien infini

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