Jusqu’ici, nous avions cru le
nihilisme lié au néant. Comme c’était léger : le nihilisme est lié à
l’être. Il est l’impossibilité d’en finir et de trouver une issue même dans
cette fin. Il dit l’impuissance du néant, le faux éclat de ses victoires, il
dit que, lorsque nous pensons le néant, c’est encore l’être que nous pensons.
Rien ne finit, tout recommence, l’autre est encore le même. Minuit n’est que
Midi dissimulé, et le grand Midi est l’abîme de lumière d’où, même par la mort
et ce glorieux suicide que Nietzsche nous recommande, nous ne pouvons sortir.
Le nihilisme nous dit donc ici sa vérité dernière et assez atroce : il dit
l’impossibilité du nihilisme. Cela a l’air d’une plaisanterie. Mais si l’on
veut bien admettre que tout l’humanisme moderne, le travail de la science, le
développement planétaire ont pour objet ne de pas se satisfaire de ce qui est,
de transformer l’être, de le nier pour en retirer un pouvoir et de faire de ce
pouvoir de nier le mouvement infini de la maîtrise humaine, il apparaîtra que
cette sorte de faiblesse du négatif et la manière dont le néant se démasque en
l’être qui ne peut être nié, ruinent d’un seul coup notre effort pour dominer
la terre et pour nous libérer de la nature en lui donnant un sens, c’est-à-dire
en la dénaturant.

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