Source : La Gnose antique, de l’archéologie du christianisme à l’institution du judaïsme, par André Paul, éditions du Cerf, recommandé par Neûre aguèce
Jésus n’est pas censé être « né » il se montre
à ses disciples sous des formes variables. N’ayant ni corps ni existence
terrestre, on dit qu’il a simplement « revêtu » un
« homme », celui-là même dont la trahison de Judas causera le
« sacrifice. »
Tel le Christ ressuscité dans les Évangiles, à son gré,
Jésus réapparaît à ses disciples ou disparaît de leur horizon. Il semblerait
qu’il fût : tantôt proche de ces derniers dans le monde des générations
mortelles, mais uniquement dans le « vêtement » ou sous l’apparence
d’un corps ; tantôt, au-delà, dans « l’autre génération grande et
sainte » qu’est le Royaume de l’Esprit. Or, entre Judas et les autres
apôtres se manifeste un écart qui se creuse encore à chaque rencontre. Pour
comprendre le mystère révélé, Judas doit aller jusqu’à se séparer des onze
autres.
Jésus défie les disciples de laisser la personne
« spirituelle », la seule vraie pour les gnostiques, venir à
s’exprimer et à se tenir debout devant lui.
« Tous, ils dirent : Nous en avons la force.
Mais leur esprit n’osa pas aller devant lui, à l’exception de Judas Iscariote.
Ce dernier fut capable de se tenir debout devant lui et Jésus dit : Je
sais qui tu es et d’où tu es venu. Tu es issu du royaume immortel de
Barbélô » (34, 22-35, 20)
Judas est le seul des douze à pouvoir relever le défi,
mais en partie seulement. Les onze autres sont défaillants. Simplement
psychiques, ils jouent à leur façon le drame de la création, échouant à
l’instar du démiurge. Seul Judas détient une parcelle de la substance
« spirituelle » mais c’set par le truchement du démiurge, ce qui
limite son ascension. Il va jusqu’à confier qu’il a eu une « vision »
où il s’est vu lapidé par les douze disciples, y compris par Matthias, par qui
les premiers chefs de l’Eglise ou apôtres l’ont remplacé. (44, 24-45, 1)
Ces douze autres disciples représentent les chefs de la Grande Église, qualifiée de « catholique » au début du deuxième siècle par l’évêque d’Antioche Ignace. L’épisode dramatique de la lapidation de Jacques, « le frère du Seigneur » se trouve ici projeté sur la personne de Judas. Or, ceux qui lapident ne sont plus les Ioudaioi de Jérusalem, les Juifs, mais les Douze, coupables de prolonger l’erreur homicide de ces derniers, censés rendre un culte à une divinité qui n’est point le Dieu suprême.

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