Grande génération

 

Source : La Gnose antique, de l’archéologie du christianisme à l’institution du judaïsme, par André Paul, éditions du Cerf

« Seigneur, quelle est la grande génération, supérieure à nous, et plus sainte que nous, qui n’est pas d’ores et déjà dans ces royaumes d’ici-bas, simples reflets des éons d’en haut. Lorsque Jésus eut entendu ces mots, il rit… » (Évangile de Judas 36, 11-23)

Notons ici le rire du maître, la deuxième des quatre occurrences du fait dans ce même livre. Ailleurs, Jésus déclare que le monde terrestre ne fait qu’un avec l’Hadès :

« Que douze anges viennent à être pour faire régner le chaos et les enfers » ordonne-t-il. (51.7) Quoi qu’il en soit, à la fin des temps, tout ce qui est matériel doit disparaître, y compris les éons et les cieux supérieurs ou les archontes. Selon cet Évangile, on est à la veille d’un cataclysme inaugurateur de la fin des temps. La condamnation du cosmos et de toute forme de corps ou de matière est scellée par la sacrifice de l’homme dont Jésus n’est que revêtu. Voici ce qu’il annonce à Judas, et à l’avant-dernière page du livre. « Mais toi, tu les surpasseras tous, car tu sacrifieras l’homme qui me sert d’enveloppe charnelle » (56,18)

Jésus attend de Judas qu’il fasse ce qu’aucun autre disciple ne fera : lui permettre que fût sacrifié son corps charnel ou « l’homme » tout simplement, support ou « habit » de sa vraie substance « spirituelle. » Advenue grâce à Judas, la mort de Jésus est présentée comme la libération du moi pneumatique ou spirituel. Aussi, en approchant Jésus, ce que l’on prend pour la réalité s’évanouit. Le cadre matériel s’écroule et l’être véritable ou pneumatique surgit. Par sa présence et par sa parole, Jésus ébranle l’ordre considéré comme naturel et le précipite vers sa perte. Et son rire de prendre alors tout son sens : il confirme l’effondrement futur des deux niveaux inférieurs, le psychique et le physique. Les onze autres disciples rendent un culte à Salkas, autre nom du démiurge, ou créateur. Ils ne peuvent connaître leur maître, qui n’est qu’un leurre.

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