Source : Le Livre rouge, Liber novus, par Carl Gustav Jung, édition établie, introduite, et annotée par Sonu Shamdasani, préface d’Ulrich Hoerni, éditions L’Iconoclaste, La Compagnie du Livre rouge.
En 1920, Jung achète un terrain à Bollingen, sur le
haut lac de Zurich. Il avait parfois passé des vacances à camper avec sa
famille dans les environs. Il ressent le besoin d’exprimer dans la pierre ses
pensées les plus intimes, et de se construire un lieu de vie absolument primitif :
« Mots et papier cependant n’avaient pas, à mes yeux, assez de
réalité : il fallait encore autre chose. »
Il lui faut réaliser, en quelque sorte, une profession
de foi inscrite dans la pierre. La tour est une « manifestation de
l’individuation. » Au fil des ans, il y peint des fresques, en sculpte les
murs. La tour peut être considérée comme la suite, en trois dimensions, du Liber
novus, son « Liber quartus », son livre quatre.
À la fin du Liber secundus, Jung a écrit :
« J’ai une part de Moyen Âge a rattraper en moi. Nous venons seulement de
terminer le Moyen Âge, en l’autre. Je dois commencer tôt, à cette époque où les
ermites disparaissent. » Ce n’est pas un hasard si la tour est construite
en style délibérément médiéval, sans aucun confort moderne. La tour fut une
œuvre évolutive, un chantier toujours repris. Jung y grave sur un mur :
« Philemonis sacrum, Fausti paenitentia » Sanctuaire de
Philémon, Repentir de Faust.
Le 6 avril 1929, Jung écrit à Richard Wilhelm :
« Pourquoi n’existe-t-il pas de monastères séculiers pour ceux qui
devraient vivre en dehors du temps. »
La mère de Jung meurt le 9 janvier 1923. Dans la nuit
du 23 au 24 décembre précédent, il avait fait un rêve.
« Fais mon service militaire. Marche avec un
bataillon. Tombe dans une forêt près d’Ossigen sur des fouilles à un
carrefour : statue en pierre, haute d’un mètre, d’une grenouille ou d’un
crapaud sans tête. Un garçonnet avec une tête de crapaud est assis derrière.
Puis le buste d’un homme avec une ancre enfoncée dans la région du cœur, époque
romaine. Deuxième buste, datant de 1640 environ. Arrive finalement une calèche,
style dix-septième siècle. Une morte est assise dedans, mais elle est encore
vivante. Elle tourne la tête quand je lui adresse la parole, en l’appelant
« Mademoiselle » Je suis conscient que c’est un titre de
noblesse. »
Quelques années plus tard, il en comprend enfin le
sens. Il note le 4 décembre 1926.
« Je m’aperçois seulement que le rêve des 23/24 décembre 1923 signifie la mort de l’anima. Elle ne sait pas qu’elle est morte. Cela coïncide avec la mort de ma mère ; Depuis la mort de ma mère, l’A. se tait. Significatif. »

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