Apocalypse culture

 

Ill. : Ludwig Meidner. Texte : Le Livre rouge, Liber novus, par Carl Gustav Jung, édition établie, introduite, et annotée par Sonu Shamdasani, préface d’Ulrich Hoerni, éditions L’Iconoclaste, La Compagnie du Livre rouge.

En octobre 1913, pendant un voyage en train vers Schaffouse, Jung a une vision éveillée où l’Europe est dévastée par une inondation catastrophique, et qui se répète deux semaines plus tard, sur le même trajet. Commentant cette expérience en 1925, il remarque : « Dans la vision, cette Suisse bien enclose dans ses montagnes, c’tait peut-être moi qui divague complètement. » Après cet événement, en effet, Jung craint d’être atteint de folie. Il se souvient avoir d’abord pensé que les images de sa vision montraient une révolution, mais, ne pouvant envisager un tel événement, il conclut qu’il est « menacé de psychose. » Après quoi, une vision similaire revient.

« L’hiver suivant, je me tenais une nuit à la fenêtre et regardais vers le nord lorsque je vis une lueur rouge sans, comme une frange de mer aperçue de loin, tendue d’ouest en est, au dessus de l’horizon septentrional. Et à l’époque, quelqu’un me demanda ce que je pensais de l’évolution prochaine des événements mondiaux. Je dis que je n’en pensais rien, mais que je voyais du sang, des torrents de sang. »

Dans les années qui précèdent immédiatement la guerre, des images d’Apocalypse se répandent dans les arts et la littérature de l’Europe. Ainsi, par exemple, dès 1912, Vassily Kandinsky écrit des textes sur la catastrophe universelle qui se prépare. De 1912 à 1914, Ludwig Meidner peint une série de « Paysages apocalyptiques », représentant des villes en ruines, de cadavres et des émeutes. L’époque est la à prophétie ; En 1899, la célèbre médium Leonara Piper avait prédit qu’au cours du siècle qui s’ouvrait, il y aurait une guerre dans diverses régions du monde, qui permettrait de purifier le monde et de révéler les vérités du spiritisme. En 1918, Arthur Conan Doyle, spiritiste et auteur de Sherlock Holmes, remarque que c’était bien là une authentique prophétie.

Jung raconte la vision du train dans le Liber novus, en précisant qu’une voix intérieure lui dit que le phantasme ainsi décrit se réalisera pleinement. Au départ, il l’interprète sur le mode prémonitoire et subjectif, autrement dit, il y voit la destruction imminente de son monde personnel. Sa réponse à la situation est d’entreprendre une auto-exploration psychologique. L’auto-expérimentation en médecin ou en psychologie est courante à cette époque : quand à l’introspection, c’est un des principaux outils de la recherche en psychologie.

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