Source : Les Hermaphrodites par Michel Foucault, texte établi par Henri-Paul Fruchaud et Arianna Sforzini, préface d’Arianna Sforzini, postface d’Éric Fassin, éditions Gallimard, collection Bibliothèque des Histoires.
L’hermaphrodite relevait en même temps d’un autre
régime, celui des « monstres. » Les êtres extraordinaires, rares,
merveilleux, étranges de formes, difficiles à situer parmi les espèces
familières, dotés de formes inattendues, surprenantes pour le regard ou
enchantant le récit de voyageurs, tout cela, il n’en était guère question avant
le dix-septième siècle, de les « classer » c’est-à-dire d’en séparer
le réel et l’imaginaire ; et d’en ramener toutes les formes constatées à
des espèces légitimes dont elles seraient la transformation accidentelle.
Il s’agissait plutôt de les faire apparaître dans ce
qui les rendait extraordinaires, de les référer à leur propre singularité ou à
celles d’autres figures non moins étranges, plutôt que les rabattre sur des
formes habituelles qui en seraient le chiffre, le principe d’explication et la
vérité dernière. L’extraordinaire dans l’ordre suspendu de la nature devait se
montrer et se nommer à partir de lui-même. « Le fantastique est un monde. »
On le parcourait selon deux chemins. L’un allait d’une forme étrange à l’autre, relevant ce qu’elles avaient de commun, non pas avec les êtres communs, mais avec d’autres êtres extraordinaires ; au-dessus des espèces de tous les jours, on repérait ainsi des sortes de familles, de singularité : des cousinages établis selon la grandeur, la petitesse, la disproportion, l’excès, la multiplication, le défaut, le mélange, la présence de marques, etc. L’autre voie consistait à apprécier la distance qui séparait ces figures des formes ordinaires, non pas pour mesurer au plus juste en quoi elles déviaient, mais pour faire valoir leur plus ou moins grande rareté, l’effet qu’elles produisaient sur le spectateur, la surprise ou l’abomination plus ou moins grandes qu’elles devaient susciter.

Commentaires
Enregistrer un commentaire