Mysterium

 

Source : Jung et la Gnose par Françoise Bonardel, éditions Dervy, recommandé par Neûre aguèce.

Plus Jung se démarque du gnosticisme dans sa forme antique et s’achemine vers un retournement complet des notions [les gnostiques veulent s’échapper du plérôme, Jung veut éviter d’y rechuter] ; c’est parce que la psychologie analytique s’apparente à une « gnose » révélatrice et transformatrice, qu’il se doit de ne pas être lui-même gnostique, au sens ancien du terme. Or, en dépit du parallèle rétabli par Jung entre gnose et alchimie, ce retournement ne s’est jamais produit dans ses rapports avec l’alchimie dont il s’est contenté de dire que les productions imaginaires étaient autant de projections de l’esprit encore immature sur la matière.

C’set sans doute pourquoi Jung n’a jamais cru nécessaire de préciser qu’il n’avait jamais été lui-même alchimiste. L’enjeu en ces termes de « savoir » n’était donc semble-t-il pas exactement le même qu’avec les gnoses. C’est aussi pourquoi on ne peut pas mettre exactement gnose et alchimie sur le même plan, ni considérer qu’elles ont joué le même rôle dans la démarche psychologique et spirituelle de Jung : « Le mystère alchimique est un homologue inférieur des mystères supérieurs, au sens où l’entend la Table d’Émeraude : ce n’est pas le sacrement de l’esprit paternel, mais de la matière maternelle » écrit-il dans Psychologie du transfert.

Est-ce implicitement reconnaître ce qui différencie la gnose de l’alchimie, quitte à devoir rétablir entre elles une hiérarchie ? La gnose s’étant préoccupée des « mystères supérieurs », de la rédemption, tandis que l’alchimie ne se serait quant à elle occupée que des « mystères inférieurs », de la transformation de la matière. Ainsi, Jung rejoindrait-il sur ce point au moins René Guénon qui reconnaissait que l’hermétisme avait pu être habilité à délivrer l’initiation royale mais non sacerdotale ; il limitait ainsi aussi aux petits mystères le rôle initiatique de l’alchimie, qui œuvrait sur un plan cosmologique et non métaphysique.