Source : La Rédemption par le péché par Gershom Scholem, éditions Allia
Les sabbataïstes ne se sont pas satisfaits d’une
réincarnation unique. C’set, semble-t-il, parmi les Séfarades convertis à
l’islam que s’est forgée l’idée que l’âme de Sabbataï Zevi pouvait se
réincarner dans un chef de croyants, mais nous ne savons pas exactement s’ils
considéraient également ce dernier comme une incarnation divine : c’est en
particulier le cas pour Barukhia, l’un des propagateurs de la nouvelle
doctrine.
Quoi qu’il en soit, nous avons tout lieu de penser que
la doctrine de Jacob Frank lorsqu’il prit la tête du mouvement ressemblait en
tout point à celle transmise par les croyants Sépharades convertis, si l’on
excepte les modifications apportées par Frank pour servir ses propres intérêts.
Sans jamais l’énoncer de manière explicite, mais il semble que ses fidèles
comprenaient fort bien ses allusions, il faisait mine de dire que c’était bien
lui, qu’il était le Dieu vivant, à nouveau incarné.
La doctrine ainsi créée possède une plus grande cohérence :
aux trois visages de la divinité correspondent trois incarnations ou vêtements
qui sont les trois messies ; Sabbataï Zevi, que Frank appelait simplement
le « premier » était l’incarnation du « Saint des anciens jours » ;
Frank lui-même était l’incarnation du « Saint Roi » ; la
troisième incarnation était celle de la Shekhinah, désignée parfois dans les
écrits de la kabbale par les termes, « Royaume », « Dame »,
« Matronita », ou « Gazelle. »
Le troisième Messie, qui ne s’était pas encore révélé, et qui viendrait achever l’œuvre de la rédemption devait être une femme. Frank l’appelait la Vierge. Il est impossible de ne pas discerner dans le caractère tout à fait novateur de cette idée l’influence de certaines sectes mystiques chrétiennes d’Europe de l’Est. À cette époque, les chrétiens « hérétiques » aussi étaient nombreux à croire à la venue de trois rédempteurs en relation avec la Trinité divine.
Dans certaines sectes salves et allemandes, le principe de l’incarnation de la Sophia, de la Sagesse divine ou Esprit-Saint, occupait alors une place très importante. En Roumanie et en Ukraine, les frankistes furent en contact étroit avec les Philipovicites ; un ancien chef de ce groupe alla jusqu’à prendre publiquement leur défense devant les autorités catholiques de Pologne.

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