Ill : Souper à Emmaüs (1525) par Pontormo. Texte : Les Racines de la conscience par Carl Gustav Jung, présentation par Michel Cazenave, publié sous la direction du Dr Roland Cahen, éditions Buchet/Chastel, collection Références
Nous apprenons par l’autobiographe qu’Ignace de Loyola
dicta à Loys Gonzales qu’il voyait assez souvent une vive clarté qui, à ce
qu’il lui semblait, avait fréquemment l’aspect d’un serpent. Celui-ci
paraissait rempli d’yeux brillants qui, cependant, n’étaient pas vraiment des
yeux. Tout d’abord, il éprouva grâce à la beauté de cette vision une vive
consolation, mais reconnut plus tar que c’était un mauvais esprit.
Cette vision récapitule tous les aspects traités ici du
thème de l’œil et représente une formulation très impressionnante de
l’inconscient avec ses luminosités disséminées. On se représente sans peine la
perplexité qu’un homme du Moyen Âge dut éprouver devant une intuition si
éminemment psychologique, d’autant plus qu’aucun symbole dogmatique ni aucune
allégorie appropriée des Pères ne pouvaient venir en aide à son jugement ;
Mais Ignace ne s’était pas tellement égaré, car les
mille yeux sont également la propriété de l’homme primordial, du Purusha. Il
est écrit dans le Rigvéda, X, 90. « Le Purusha a mille têtes, mille
yeux, mille pieds. Il tient la terre enfermée et il dépasse l’espace aux dis
doigts. » Monoimos l’Arabe enseignait, selon Hippolyte, que l’homme
primordial est une monade unique, non décomposée, indivisible et en même temps
composée et divisible. Cette monade est le point sur l’i, et cette unité la
plus petite de toutes, qui correspond à l’unique étincelle de Khunrath, a
« un grand nombre de visages » et « un grand nombre
d’yeux. » Monoimos s’appuie en cela principalement sur le prologue de
l’Évangile de Jean. Son homme primordial est, comme le Purusha, l’univers.
Des visions de ce genre doivent être comprises comme
des intuitions introspectives qui saisissent l’état de l’inconscient, et en
même temps comme une forme de réception de l’idée chrétienne centrale.
Naturellement, ce thème apparaît également avec la même signification dans les rêves modernes et dans les phantasmes sous des formes telles que le ciel étoilé, le reflet des astres dans l’eau sombre, les pépites d’or répandues dans la terre noire, ou le sable aurifère, la fête nocturne sur un lac, c’est-à-dire des lampions sur de sombres surfaces aquatiques, l’œil isolé dans la profondeur de la terre, ou de la mer, la vision parapsychique des sphères lumineuses, etc.
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