« Je vous écris en cours de chute, telle est ma sensation d’être au monde »

 

Source : Aïon, études sur la phénoménologie du Soi par Carl Gustav Jung, éditions Albin Michel

Dans le domaine restreint de la psychologie professionnelle, l’Anima et l’Animus et l’Ombre rencontrent la compréhension de tous ceux qui possèdent quelque connaissance de la mythologie comparée. L’Ombre, c’est l’adversaire, le représentant du monde chtonien obscur dont l’image revêt des traits universels. La syzygie est immédiatement reconnaissable comme modèle psychique de tous les couples divins. Le Soi enfin se révèle, grâce à ses attributs empiriques, comme l’éidos, ou l’idée de toutes les images de la totalité et d’unité que contiennent principalement les systèmes monothéistes et monistes.

Je tiens ce parallélisme pour important dans la mesure où il permet de mettre en relation les représentations métaphysiques qui ont perdu leur fondement empirique naturel avec un événement psychique universellement existant qui leur rend leur sens propre et originel. Ainsi le lien se trouve rétabli entre ces contenus projetés qui étaient formulés comme des données « métaphysiques » et le moi. Malheureusement, ainsi qu’on l’a déjà dit, l’existence de concepts métaphysiques et la croyance qu’on leur porte ne produisent nullement la présence de leur contenu ou de leur objet, bien que la coïncidence de l’assertion et de la réalité sous la forme d’un état psychique particulier, d’un « état de grâce », puisse ne pas être réputée impossible, mais non toutefois volontairement provoquée par le sujet.

Les concepts métaphysiques ont un jour perdu leur capacité de rappeler et d’évoquer l’expérience originelle et non seulement ils sont alors devenus inutiles mais ils ne se révèlent plus désormais que comme de véritables obstacles sur la voie d’un développement intérieur. On s’agrippe à des possessions qui ont autre fois représenté de la richesse et, plus elles deviennent inopérantes, incompréhensibles et sans vie, plus on s’accroche à elles. On ne s’accroche naturellement qu’à des idées stériles : celles qui sont vivantes ont suffisamment de contenu et de richesse pour qu’on n’ait pas besoin de s’y accrocher. Ainsi, avec le temps, ce qui était rempli de sens se change en absurdité. Tel est malheureusement le destin des idées métaphysiques.

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