Héritiers sans passé

 

Source : Les Racines de la conscience par Carl Gustav Jung, présentation par Michel Cazenave, publié sous la direction du Dr Roland Cahen, éditions Buchet/Chastel, collection Références

Je suis convaincu que l’appauvrissement croissant en symboles a un sens. Cette évolution a une logique intérieure. Tout ce sur quoi l’homme ne pensait rien et qui s’est ainsi trouvé privé de connexion avec la conscience tandis qu’elle continuait de se développer, tout cela a été perdu. Si donc on essayait de cacher sa nudité dans des vêtements d’apparat orientaux, comme le font les théosophes, on serait infidèle à sa propre histoire. On ne commence pas à s’abaisser à un état de mendiant pour poser ensuite en roi hindou de théâtre. Il serait bien préférable, me semble-t-il, de se résoudre à confesser l’indigence spirituelle de l’absence de symboles, au lieu de s’arroger une richesse illusoire dont on n’est en aucun cas les héritiers légitimes.

Sans doute sommes-nous les héritiers légitimes du symbolisme chrétien, mais nous avons en quelque sorte dilapidé cet héritage. Nous avons laissé s’écrouler la maison que nos pères avaient construite et nous cherchons maintenant à pénétrer par effraction dans des palais orientaux que nos pères n’ont jamais connus. Qui a perdu les symboles historiques et ne peut se satisfaire des « succédanés » est aujourd’hui, il est vrai, dans une situation difficile : devant lui bâille le néant, dont on se détourne avec angoisse. Pis encore : le vide se remplit d’idées politiques et sociales absurdes qui, toutes, se caractérisent par leur inanité spirituelle.

Mais celui qui ne peut s’accommoder de ce pédantisme prétentieux se voit obligé d’avoir sérieusement recours à e qu’on appelle sa confiance en Dieu, et il apparaît alors, il est vrai, la plupart du temps, que l’angoisse a une force de conviction encore plus grande. Elle n’est toutefois pas injustifiée, car c’est lorsque Dieu est le plus proche que le danger apparaît le plus grand. Il est en effet dangereux de confesser sa pauvreté religieuse, car le pauvre désire et celui qui désire attire sur lui un destin.

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