Nous croyons que nous bâtissons pour l’éternité,
surtout en matière intellectuelle. Mais là comme ailleurs, il y a une caducité
assez dramatique de tout ce que nous produisons. C’est un aspect de l’existence
humaine auquel je suis particulièrement sensible. Là encore, je suis très
musilien. Je pense souvent à ce texte, écrit dans les années 30, où Musil
essaie d’imaginer comment, en 1999, les gens de son époque et lui-même seront
perçus et je me pose constamment la question. Je trouve effrayante la
vitesse avec laquelle les choses sont oubliées. Cela me frappe d’une façon
presque douloureuse. Nous avons une telle capacité d’oubli que, dans bien des
cas, nous ne sommes même plus capables de tirer profit du travail énorme qui a
été accompli par certains de nos prédécesseurs.
Jacques Bouveresse : Le Philosophe et le Réel

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