Ill. : Opération Mercredi par Leonora Carrington. Source : La Gnose antique, de l’archéologie du christianisme à l’institution du judaïsme, par André Paul, éditions du Cerf
À la base de tout, il y a donc le mot grec gnôsis,
connaissance », mis en valeur par Platon au quatrième siècle avant J.-C
pour désigner et magnifier les qualités requises de l’homme politique. C’est
dans Le Politique, et exclusivement dans cette œuvre (258 b-e) que le
philosophe affirme et promeut le dérivé « gnostikos », qui
connaît, vocable jusqu’alors peu usité qu’il récupéra chez l’un ou l’autre de
ses prédécesseurs. Pour lui, l’homme politique compte parmi les « gnostikoï »
ou gens qui savent. Mais ces derniers ne sont pas les détenteurs de n’importe
quelle « science » ou épistémè. Car dans les « sciences »,
il convient de distinguer deux formes. L’une est praktiké, relative à
tout ce qui mène à une construction matérielle et couvrant l’ensemble du champ
d’activités signifié par le vocable tehhnè, « art » ;
l’autre est gnostikè, « théorique » ou
« spéculative » : une connaissance pure, peut-on dire, avec
laquelle il s’agit d’abord de connaître et non de faire, et même, de quelque
façon, de « connaître » au lieu de « savoir. »
Dans ce sens à la fois anthropologique et
philosophique, gnostikos ne fut que très peu employé dans l’Antiquité
classique. Réservé, semble-t-il, aux seuls platoniciens et pythagoriciens, le
mot demeura étranger à Aristote et aux Stoïciens. Or, dans le cadre de cet
usage spécifié, gnostikos ne qualifiait ni une personne ni un groupe
d’individus. On l’appliquait aux capacités, non aux personnes, aux activités ou
opérations de l’esprit et non aux individus.
Vers la fin du deuxième siècle, Irénée de Lyon sera le premier à attester son emploi pour des personnes ou des groupes, sinon même à utiliser lui-même le terme dans ce sens, désormais polémique. Et de qualifier de gnostikoi les prétendus chrétiens gagnés à la « fausse » ou « mensongère » gnôsis. Par la suite, le mot reviendra souvent dans les textes des auteurs chrétiens, dans un sens positif chez certains soit positifs soit négatifs chez d’aucuns, dans une acception durement négative chez d’autres.

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