Source : La Rédemption par le péché par Gershom Scholem, éditions Allia
Le Messie avançait sur son chemin en solitaire, de
l’Autre côté, Sitra ah’a, dans le royaume de l’impureté et « le Seigneur
seul était son guide » (Deutéronome 32, 12) Il était contraint de vivre
sous l’autorité d’un Dieu étranger, mais il ne devait pas lui rendre un culte.
Seul le caractère unique de l’apostasie du Messie a pu
apporter une solution légitime et dénouer, chez les fidèles sabbataïstes, la
tension psychologique extrême née du conflit entre l’extériorité et
l’intériorité. Saisi par une flamme nouvelle, le Messie avait accompli des
actes étranges au nom de la sainteté. Mais, pour les fidèles, ce paradoxe
devait demeurer du ressort de la foi.
Le sabbataïsme modéré a tracé un cercle autour du
concept de « sainteté étrange » et s’est interdit d’y pénétrer :
il avait été décrété que le Messie accomplirait des actes qui scandaliseraient
Israël, mais cela n’avait été ordonné que pour lui seul et son exemple ne
devait pas être suivi. Il était en réalité très complexe de fixer et de maintenir
les limites de ce cercle, qui avait fini par ressembler à un mur qui
s’affaisse, à une barrière enfoncée.
Pouvons-nous abandonner le Messie à son rude combat
pour anéantir les Forces du Mal sans lui porter secours ? Une étincelle de
la rédemption ne s’est-elle pas allumée aussi dans nos cœurs ? Ne
devons-nous pas agir contre lui ? L’épuisement s’est emparé de lui et nous
allons demeurer en retrait ? Allons ! Renonçons à nous-mêmes !
Remplissons l’impureté de toute la puissance de la sainteté jusqu’à ce qu’elle
se désintègre !
Descendons dans l’abîme avant qu’il ne se referme

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