« Quand
je me contemple, je me désole. Quand je me compare, je me console »
Villiers
de l’Isle-Adam : Contes cruels
*
« Posséder un talent ne suffit
pas : il faut aussi que vous nous accordiez l’autorisation de l’avoir. »
Friedrich Nietzsche : Par-delà
bien et mal
*
J’ai réalisé, pendant près de quinze ans, des dizaines
de conférences gratuites, à mes propres frais, sans le moindre soutien du
« milieu » associatif ou académique belge.
J’ai traduit, tout aussi gratuitement, sans recherche
de profit, des centaines d’articles, de l’anglais, du néerlandais, un peu de
l’allemand ; si je ne suis pas l’auteur de ces textes, au moins trouvent-ils une lisibilité qu’ils n’avaient pas — c’est probablement pourquoi
Google me désindexe.
Je viens de publier un cinquième livre : à mon
compte, sans la moindre publicité, ni intérêt des critiques belges ou français.
Ce silence ressemble à un aveu, plus qu’à une marque d’ignorance. Nous
reconnaissons votre talent, mais nous n’en voulons pas, nous ne l’acceptons
pas.
N’importe qui doté d’un minimum d’honnêteté
intellectuelle reconnaîtrait le caractère exceptionnel — kafkaïen — de cette
situation. Oui, j’ai été traité plus mal qu’un migrant dans mon propre
« pays », pendant que des étrangers, des crétins, ou des incapables
sont promus et m’enterrent vivant, littéralement, lors même que je n’ai fait l’objet d’aucune
condamnation.
Cependant, je ne peux / je ne veux pas me plaindre.
D’une part, il viendra des temps plus difficiles encore. D’autre part, toute
réclamation serait contraire à mon éthique : pourquoi escompter la
reconnaissance ou les encouragements de ceux-là mêmes qu’on déteste et dont on
souhaite la disparition ? Le pire serait d'obtenir un succès ou quelque responsabilité que ce soit dans une société pareille.
En dernière analyse, c’est l’indifférence de ce
monde, une indifférence très relative, très fragile, que j’espère
conserver afin de réaliser les quelques projets qui me tiennent encore à
cœur. Qu’on ne me lise pas, qu’on ne s’intéresse pas à moi, tant mieux ! Il
ne s’agit pas d’une pose d’Alceste, mais d’une avance gagnée sur le destin.
Perdurabo. Rien de trop, rien de belge. Nettoyage par le vide. Rencontrer un être humain de plus ou de moins m'est complètement indifférent. On n'a pas peur de la solitude quand on connaît la gueule des autres. Chaque jour lu est un jour volé. Chaque jour non-lu est un jour perdu. Que cela vous plaise
ou non, je continuerai, sous une forme ou sous une autre, tant que le souffle
me restera.
Tout me fait rire.
Crève Belgique !

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