Mater Tenebrarum

 

Source : Jung entre l’Orient et l’Occident par Vladeta Jerotić, éditions de L’Âge d’homme, collection Perspectives spirituelles.

L’introduction du chiffre quatre dans la Trinité chrétienne a suscité l’intérêt de la théologie et a fait couler beaucoup d’encre. Quelques remarques suffiront. Pour être objectif, il faut commencer par distinguer les convictions personnelles de Jung de ses découvertes empiriques et scientifiques. Selon sa conviction personnelle, nous sommes par notre inconscient collectif inclus dans la « Totalité Divine » qui engendre cependant des figures archétypiques ambivalentes ; Christ et Satan, deux fils de Dieu. Puisque ces figures archétypiques précisément dans leur ambivalence émergent dans la symbolique de la quaternité et doivent donc se tenir une réciprocité avec l’omniprésente cause divine, Jung considère que le « Mal » est tout aussi présent dans cette cause que le « Bien. »

La cause divine est donc pour Jung identique avec la Création, dans son existence psychologique empirique, à laquelle appartient aussi le « quatrième principe », c’est-à-dire le « Mal. » La différence entre le Créateur et la créature est ainsi supprimée et le Mal comme nécessité psychologique, dans le prolongement de l’esprit allemand, surtout de Schelling, mais aussi de Hegel, qui n’ont pas manque d’influencer Jung, est entendu comme un principe pulsionnel de développement. On ne peut pas non plus ignorer la forte influence gnostique sur l’ensemble de son travail, surtout lorsqu’il divise la réalité en une moitié « bonne » et une moitié « mauvaise », attribuant abusivement cette division au christianisme, division qui devrait être surmontée par la synthèse psychologique de la quaternité.

La conviction de Jung que la figure de Marie, Mater Ecclesia, doit être le « quatrième » principe, est intenable du point de vue de la théologie chrétienne, déjà parce que l’on perd de vue le fait que Marie est une créature et non une divinité, comparable aux déesses des religions païennes, et que, par le sacrifice du Christ, le monde est déjà racheté. Dans son livre Le problème du Mal et de sa maîtrise, Irene Beck n’a pas manqué de remarquer le penchant de Jung pour le monophysisme face à la représentation du Dieu Homme. Ayant tendance, sous l’influence du gnosticisme, de voir le corps humain comme coupable, et le Christ comme homme qui ignore la faute, il va alors de soi que Jung cherche à compéter le dogme christique par le dogme marianiste.

Le reproche essentiel que la théologie chrétienne peut faire à Jung est tout d’abord l’impossibilité de soumettre le dogme de la Trinité à une analyse psychologique, ce qu’avait déjà fait avant lui saint Augustin.

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