Cette question du vieillissement m’a toujours obsédé et
je cite souvent Musil : « Il n’y a pas de plus bel exemple de
l’inéluctable que le rétrécissement progressif par lequel un jeune homme entre dans
la peau d’un vieillard. » C’est une formule superbe et dont on observe sur
soi-même la vérité profonde à mesure que les années passent. Sans que rien de
particulier ne se soit passé, les possibilités se rétrécissent. Or, j’ai
toujours rêvé d’être capable à chaque instant d’apprendre et de comprendre des
choses nouvelles, ce qui est sans doute demander un peu plus qu’il n’est
raisonnable. L’expérience du vieillissement physique n’est sûrement pas une
chose agréable, mais j’ai encore bien plus peur de vieillir intellectuellement.
J’appréhende terriblement ce moment où l’on est obligé de se dire que, si on
avait encore du courage et aussi l’agilité intellectuelle d’autrefois, on
devrait entreprendre telle ou telle chose, mais où on sait qu’on ne le peut plus,
parce que le temps en est passé.
Jacques Bouveresse : Le Philosophe et le réel

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