On n’est plus sur une contradiction près

 

La pensée d’Héraclite nourrit la prétention de pouvoir embrasser, dans et par ses fragments, la totalité. Son logos veut exprimer ce qui est, en saisissant simultanément ses aspects antithétiques. » Les uns trouvent le miel doux, les autres amer, nous dit Sextus. » Héraclite ne distingue point entre ce qui est théoriquement vrai et ce qui l’est dans la pratique. La vérité multidimensionnelle n’est, dans son unité, ni théorique ni pratique : dans le devenir elle est, et elle sait saisir simultanément la douceur et l’amertume de ce qui est. Héraclite ne se résume pas à la sentence banale : tout est relatif. Ce n’est pas l’absolu qui est le relatif, mais le « relatif » qui est l’absolu. La stupidité des hommes à l’âme barbare est absolue et la souveraineté du logos universel l’est aussi. Le langage exprime les aspects, chaque fois différents, de l’absolu : ces aspects, même divergents, sont convergents en tant que manifestation multiples de l’Un. Les paradoxes sont paradoxes de l’absolu et non du relatif, de là leur rigoureuse vigueur. La pensée exprimée de Héraclite cherche à se frayer son chemin à travers toute une forêt de relations, et dans cette marche elle ne relativise ni les arbres isolés, ni la forêt tout entière. Sa méditation, s’attachant à la fois à la comédie humaine et divine, est dramatique sans être romantique : elle ne pleure pas la perte de l’absolu. Héraclite s’attache au travail de de l’agrégation d’autres, après lui, entreprendront le travail de la désagrégation.

Kostas Axelos : Héraclite et la philosophie

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