« Les manuscrits ne brûlent pas »

 

Un poème, en son existence empirique, n’est pas plus indestructible qu’un ex-voto ; un temple et un livre peuvent brûler. Leur éternité est ailleurs : on les a consacrés « pour la venue d’une réalité qui sera sans doute concurrente. Imputrescible celle-là. Impérissable, non, car elle court les dangers de tous. » Mais quand la réalité consacrée disparaît matériellement, elle vit toujours de par son droit propre, tandis que tout le reste périt à tout moment et ne reparaît plus « dans l’éclatement de l’univers que nous éprouvons, prodige ! les morceaux qui s’abattent sur nous sont vivants » et ils s’abattent sur le monde, ils reviennent, ne chutent pas dans le néant.

Paul Veyne : René Char en ses poèmes

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