Rien de moins
divin que ce que Char appelle les dieux ; son exceptionnelle sensibilité
religieuse, il l’a mise presque partout, sauf là.
Les dieux sont
des vérités, voilà tout. Il existe même des dieux délirants qui vont et
viennent dans notre sang, au moins par intermittence, par exemple le dieu
de la cruauté, délire qui mène aussi à l’héroïsme généreux. Si nous
reconnaissons pour divins les dieux de cette espèce, si nous n’entreprenons pas
de nous les cacher, alors, l’aventure du délire n’ira pas plus loin.
« Mes dieux
à moi, répétait René, ne sont ni compensateurs ni punisseurs, ils ne règnent
pas. » Ce sont, dirons-nous, des vérités philosophiques, que l’on vénère
parce qu’elles sont élevées et indispensables. Mais on ne leur obéit pas ;
les stoïciens non plus n’obéissent pas à leur dieu : ils tombaient
d’accord avec lui sur certaines vérités.
Char ne dit rien
d’autre : « Nous ne jalousons pas les dieux, nous ne les craignons
pas, mais au péril de notre vie, nous attestons leur existence multiple, et
nous nous émouvons d’être de leur élevage aventureux lorsque cesse leur
souvenir » dans le cerveau de presque tous les hommes d’aujourd’hui. »
Les dieux sont des idées claires. Or, Char, en vrai homo religiosus,
place le divin dans l’obscur et l’inconnu.
Jean-Michel Nicollet : Le Dieu fou
Paul
Veyne : René Char en ses poèmes
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