Après-demain

 

« En guise de plaisanterie, on peut aventurer cette comparaison : je ressemble à un homme qui a organisé un banquet et ses invités s’enfuient à la simple vue de tous les mets excellents qu’il a préparés » écrit Nietzsche à Erwin Rhode, le 16 juin 1878. Le moins que l’on puisse dire est que, au moment de la publication d’Humain trop humain en 1878, le succès ne fut pas au rendez-vous. En poussant le sarcasme un échelon plus loin que ne le fait Nietzsche, on pourrait avancer que cet ouvrage, le troisième qu’il publie, si l’on prend les Considérations inactuelles comme un ensemble, inaugure bien un tournant dans la carrière intellectuelle du philosophe : l’entrée dans une période durable de livres sans lecteurs, de pensées demeurant ignorées, de philosophie vouée à l’indifférence, bref, le début d’une existence posthume. Dix ans plus tard, en 1888, l’autodérision combinée à la lucidité fait proclamer à Nietzsche : « Seul l’après-demain m’appartient. Certains naissent posthumes. »

Patrick Wotling : Le Livre de la reconquête de soi, préface à Humain, trop humain de Friedrich Nietzsche

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