Source : Georges Bataille : l’expérience et la pensée par Olivier Capparos, éditions Kimé, collection Philosophie en cours.
Bataille insiste sur le principe de solitude qui
préside à l’impunité de la transgression imaginaire et littéraire des limites
du possible, des limites du supportable. Dès lors, dans le silence d’une
prison, le propre plaisir de Sade compte plus que la préservation d’autrui. À
l’excès de volupté répond un excès de crime. Le crime est conçu comme un
« acte sombre et secret » apparemment dépourvu d’affection, au cours
duquel le libertin sadien s’identifie « au mouvement de destruction totale »
qu’il fomente.
C’est un moment de cruauté suprême auquel conduit la
prétention à jouir de l’insensibilité. « L’excès mène au moment où la
volupté se dépassant n’est plus réduite au donné sensible », il oriente
vers un « au-delà de la jouissance personnelle », il est accès
à « la recherche d’une souveraineté dégagée de tout
fléchissement. » Tandis que la souveraineté « réelle »,
« historique », apparaît comme une tension, une volonté de
dépassement de la nécessité humaine, et que le souverain demeure lié aux sujets
par la puissance que ceux-ci lui confèrent, par le pacte de subordination qui
les lie à lui, l’homme souverain de Sade, parce que « être de
fiction », est l’homme de la souveraineté infinie.
Tout pacte est désormais rompu, quand bien même il y aurait eu pacte de subordination illimitée entre le sujet et son souverain. En dépit de toute la « déloyauté » revendiquée par Sade, Bataille constate l’aboutissement du refus sadien à une extrême « rigueur » mais à la rigueur de cet être circulaire, dansant avec soi, à une rigueur proprement divine, celle-là même, souveraine, qu’un Jacob Böhme impute à Dieu, à un dieu de colère et de feu. Bataille reprend Blanchot pour décrire « le centre du monde sadien » comme « l’exigence de la souveraineté s’affirmant par une immense négation. »

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