Qui dîne avec le diable doit avoir une longue cuillière

 

Source : De la Tyrannie, par Leo Strauss précédé de Hiéron de Xénophon, et suivi de Tyrannie et Sagesse par Alexandre Kojève, éditions Gallimard, collection Tel

Dans l’Hiéron, la différence entre la vie du tyran et la vie privée est discutée dans une conversation entre un tyran et un particulier. Cela signifie que le même sujet est présenté de deux manières différentes. Il est présenté très clairement par les déclarations explicites et thématiques des deux personnages. Cependant, aucun des deux personnages n’est supposé avoir exprimé exactement ce qu’ils en pensaient eux-mêmes : Hiéron a peur de Simonide et Simonide obéit à une intention pédagogique. Xénophon présente sa pensée plus directement, mais moins clairement, par l’action du dialogue, par ce que les personnages font silencieusement ou révèlent occasionnellement, et sans le vouloir, ou encore par le contraste réel, tel que le conçoit l’auteur, entre le tyran Hiéron et le simple particulier, Simonide.

Pour autant qu’Hiéron se révèle lui-même comme un citoyen, au sens le plus absolu, et que Simonide se présente comme un étranger, au sens le plus absolu, le dialogue présente le contraste entre le citoyen et l’étranger. En tout cas, Simonide n’est pas simplement un « particulier » et il ne représente pas le caractère courant de la vie privée. 

Aussi silencieux qu’il soit sur sa propre manière de vivre, il se révèle par son attitude ou par ses actes, un Sage. Si l’on considère la forme de la conversation, le dialogue paraît un essai d’opposer la vie du tyran ou la vie du « souverain », non seulement avec la vie privée, mais aussi avec la vie du Sage. Ou, plus spécifiquement, c’est une tentative d’opposer un tyran instruit, un tyran qui admire ou souhaite d’admirer les Sages à un Sage qui s’abaisse à s’entretenir avec un tyran. Le dialogue, en définitive, a pour but d’opposer les deux manières de vivre : la vie politique et la vie consacrée à la sagesse.

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