Principe

 

Source : De la Tyrannie, par Leo Strauss précédé de Hiéron de Xénophon, et suivi de Tyrannie et Sagesse par Alexandre Kojève, éditions Gallimard, collection Tel

La tyrannie d’aujourd’hui, au contraire de la tyrannie classique, dispose de la « technologie » et de « l’idéologie. » D’une façon plus générale, elle présuppose l’existence de la « science », c’est-à-dire d’une interprétation particulière de la science ou d’une certaine science.

Inversement, la tyrannie classique, contrairement à la tyrannie moderne, trouvait en face d’elle, en fait ou virtuellement, une science qui n’avait pas pour but « la conquête de la nature », qui ne voulait être ni vulgarisée, ni répandue. Mais faire cette remarque, c’est admettre implicitement qu’il est impossible de comprendre la tyrannie moderne, dans son caractère spécifique, avant d’avoir compris la forme élémentaire, et en un certain sens naturelle, de la tyrannie qui a précédé celle des temps modernes. Cette base fondamentale de la tyrannie moderne nous est pratiquement inintelligible si nous n’avons pas recours à la science politique des classiques.

La science politique moderne est généralement reconnue comme étant due à Machiavel, ce qui est en partie exact. Sans entrer dans le détail, nous pouvons admettre que Le Prince de Machiavel, à la différence de ses Discours sur Tite-Live, est caractérisé par le fait voulu qu’il n’y fait aucune distinction entre les termes de roi et de tyran. Le Prince suppose le rejet tacite de cette distinction. Machiavel savait très bien qu’en concevant l’idée qu’il exprime dans Le Prince, il rompait avec toute la tradition de la science politique ou, pour appliquer au Prince une expression qu’il emploie en parlant de ses Discours, qu’il s’engageait sur une route que nul n’avait encore parcourue.

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