« Une
heure, c’est un lac. Une journée, une mer. La nuit, une éternité »,
constatait amèrement Joseph Roth, en 1938, à la veille d’une guerre mondiale.
Comment ne pas découvrir à sa suite, cette inertie d’un temps
« présent » qui se confond avec la fixité même des lieux… De fait,
lorsque l’instant réel l’emporte en intensité sur la densité de l’étendue de
l’espace réel, toute durée se fige et l’inertie atteint des proportions
gigantesques. Soudain, l’immobilité n’est plus celle de l’eau à la surface du
lac, ou celle du temps profond des minéraux, mais celle de tous les trajets
possibles. Le mur du temps lumière bouche dès lors, avec l’horizon des
apparences, celui de l’action, la réalité même d’un espace où s’efface toute
succession, où les heures, les jours, sont comme s’ils cessaient de s’écouler,
et les surfaces de s’étendre : ce qui survenait hier, ici ou là, arrive
désormais partout à la fois. L’accident des accidents se généralise dans
l’instant et dans le centre du temps, le présent permanent, domine définitivement
celui de l’espace fixe, ici n’est plus, tout est maintenant… L’hypercentre du
temps intensif de la mise en ondes du réel l’emporte une fois pour toutes sur
l’ancienne centralité de l’espace extensif des territoires. Dès ce moment,
« le total de la lumière est le monde. »
Paul Virilio : La Vitesse de libération

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