Il m’arrivait de
méditer interminablement sur l’angle aigu que formait la pointe d’un brin
d’herbe. À vrai dire, « méditer » ne convient pas à ses bulles de
pensée, bizarres et sans suite, ni vivantes ni mortes, qui apparaissaient à
fleur de perception avec l’obstination d’une rengaine. Pourquoi cet angle
devrait-il être si aigu ? Et s’il était obtus ? Ruinée, la
classification dans la catégorie : herbe ? Démantelée, la nature, à
cause de cette seule écharde ? Et suffit-il de retrancher une minuscule
dent de l’engrenage naturel pour que tout culbute ? Ainsi, mon esprit, en
quête d’un moyen de faire basculer le monde, fluctuait-il deçà delà, sans
aboutir à rien.
Yukio Mishima : Le Pavillon d’or

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