Je tirai le
couteau de sa gaine et passais ma langue sur la lame qui se ternissait à
l’instant. Je sentais une fraîcheur incisive, puis une sorte de goût agréable
et lointain : cela venait du cœur de l’acier mince, de l’inaccessible
substance du métal. Cette forme nette, cet éclat métallique pareil à l’indigo
des profondeurs marines, voilà ce que recelait ce goût si pur lové à la pointe
de ma langue, tenace, mêlé à la salive, et qui finit aussi par s’évaporer. Et
j’imaginai avec bonheur le jour où, dans ma chair, je serais tout éclaboussé,
tout soulé, de cette douceur-là. Les cieux de la mort me paraissaient pleins de
lumière, et pareils à ceux de la vie. J’avais oublié mes pensées d’ombre. Il
n’existait plus de détresse en ce monde.
Yukio Mishima : Le Pavillon d’or

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