Source : Au commencement était la guerre par Alain Bauer, éditions Fayard, collection Choses vues
La fin de la
guerre froide fait des États-Unis les gendarmes du monde, et particulièrement
du Moyen-Orient. Après une guerre fratricide livrée de 1980 à 1988 contre
l’Iran chiite, devenu depuis la révolution islamique l’ennemi numéro un de
l’Amérique, (le « Grand Satan », selon les mots de l’ayatollah
Khomeyni), l’Irak, majoritairement chiite, mais contrôlé par sa minorité
sunnite, tenu par le baasiste Saddam Hussein, très affaibli, pense au moins
jouir de la reconnaissance et de l’estime des dirigeants sunnites et de leurs
amis américains.
Contre toute
attente, ces derniers refusent d’effacer la dette contractée auprès d’eux par
Bagdad pour s’armer et livrer bataille à son voisin. Rétrospectivement, cette
volte-face n’est pas si surprenante si l’on songe que le gouvernement Reagan,
supposément allié de l’Irak, alors que les combats faisaient rage entre les
deux pays, livrait aussi des armes à l’ennemi iranien pourtant sous embargo
américain… Cet Irangate qui avait duré de 1981 à 1986, outre le besoin de
financer l’insurrection des contras contre le gouvernement sandiniste du
Nicaragua, semblait se justifier par la volonté des États-Unis et de ses alliés
d’affaiblir les deux puissances chiites en même temps. Realpolitik toujours.
On retrouve la « balkanisation », telle que pensée par Zbigniew
Brzezinski, à l’œuvre, appliquée au Moyen-Orient et destinée à sécuriser
l’approvisionnement énergétique américain dans « l’arc des crises. »
Ulcéré et
frustré, Saddam Hussein se livre alors à un jeu de dupes qui consiste à défier
ses anciens alliés en accusant le Koweit, son voisin, de pomper illégalement
son brut sur le champ frontalier de Rumalia. Le président irakien décide
d’envahir le petit émirat l’été de l’année 1990. L’Irak double ses réserves de
pétrole, se trouve alors à la tête d’un cinquième des ressources mondiales
connues, à égalité avec l’Arabie saoudite, et obtient de surcroît un accès au
golfe Persique.
Le roi Fahd, se sentant menacé, appelle alors à la rescousse les États-Unis en vertu du pacte de Quincy de 1945, renouvelé régulièrement depuis, qui assure à la famille Saoud la sécurité en échange de l’accès américain à la manne pétrolière. En invitant la plus grande armée « d’Infidèles » à fouler la terre sainte de l’Islam, le roi d’Arabie saoudite, dont le titre officiel, est « Gardien des deux Mosquées », vient de provoque un engrenage infernal.

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