Source : Au commencement était la guerre par Alain Bauer, éditions Fayard, collection Choses vues
Les frappes
aériennes de l’OTAN sur la Serbie en 1999 ont dessillé les yeux des
Russes : avec ou sans nouvelles technologies, la guerre reste une épreuve
de force dont l’objet est d’imposer sa volonté à l’autre (Clausewitz) Les armes
ne sont qu’un moyen au service d’une fin et la dissymétrie introduit ainsi une
dangereuse inégalité qui conduit à opposer les puissances technologiques,
partisanes du « zéro mort », à leurs challengers pauvres,
indifférents à la destruction de leur chair à canon.
C’est
principalement la leçon que la Russie a retenue en 1999 de l’opération
« force alliée » en Serbie : la fin justifie les moyens, le
recours à la force est bien le moyen le plus efficace de résoudre les problèmes
s’il est appliqué de manière décisive et massive. Les négociations ont une
valeur douteuse et ne doivent pas servir de couverture à une action militaire. Le
droit international et la souffrance humaine ont une importance secondaire
quand il s’agit d’atteindre l’objectif. La dévastation massive et les dégâts
collatéraux au sein de la population civile sont inacceptables pour limiter ses
propres pertes. L’opinion publique étrangère et la position des gouvernements
occidentaux doivent donc être ignorées si les intérêts russes sont en jeu. La
clé du succès est une campagne concentrée dans les médias de masse et un
contrôle strict de l’information sur la guerre.
Après une décennie sans précédent de désarmement, de réduction des missiles nucléaires, de coopération et de transparence en matière de défense et de sécurité entre la Russie et les États-Unis, le Kosovo a donc ravivé les pires instincts et stéréotypes de la guerre froide. Les relations américano-russes ne seront plus jamais les mêmes qu’avant le 24 mars 1999 et, pour la Russie, l’administration Clinton porte l’entière responsabilité de ce changement.

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