Hegel fut le premier à voir dans la dialectique et
l’anthropologie dialectique ce qu’aucun romantique n’avait remarqué : le
travail physique et la lutte sanglante. Les romantiques supposaient qu’il
appartenait au poète ou au peintre ou en général à l’individu vivant sa
« vie intérieure » de pouvoir se changer d’une manière essentielle.
Et si les héros romantiques agissaient et luttaient, en revanche, jamais ils ne
travaillaient. Aussi, leurs luttes n’étaient pas la cause, mais seulement la
manifestation externe, et, au fond, contingente, voire accidentelle, de leur
transformation purement intérieure. Avec Hegel, à l’inverse, l’homme change de
façon essentielle uniquement dans la mesure où il prend part au travail réel et
à la lutte réelle. Après l’avoir compris, il vit pourquoi le
« héros » romantique est immanquablement condamné à l’échec, à la
mort, au suicide ou, comme c’est souvent le cas, au « mal du
siècle », fondé sur l’incompréhension et la non-reconnaissance.
Emile Corsi : Sur le bord (se non è vero, è ben trovato)
Alexandre Kojève : Sophia I

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