« Là-bas, au bord du gouffre, je combats pour moi »

 

À chaque fois, Eisenstein croit avoir trouvé la bonne parade contre les soupçons du pouvoir : il choisit comme point de départ l’épisode incontestable de Pavlik Morozov, ou la répression des boyards par le tsar Ivan, dont il est sûr qu’elle va plaire à Staline. Cependant, ses exigences artistiques le poussent à enrichir la trame du récit par d’autres éléments : l’arrière-plan mythologique et légendaire de l’infanticide, l’ambiguïté dans les réactions du tsar. Staline ou ses serviteurs ne manquent pas de relever ces éléments étrangers à leurs desseins et s’empressent de condamner tout le travail, d’exiger de nouvelles corrections jusqu’à ce que le réalisateur jette l’éponge. Le lézard de Boulgakov peut accepter de perdre sa queue pour sauver sa vie, mais il vient un moment où les sacrifices demandés sont au-dessus de ses forces, il ne veut quand même pas être pris pour une limace.

Tzvetan Todorov : Le Triomphe de l’artiste

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