« J’ai dû rêver trop fort » 

 

Source : Nouvelles méditations métaphysiques, les existences imaginaires par Jean-Clet Martin, éditions Kimé, collection Bifurcations, un auteur recommandé par Neûre aguèce.

« Quand je me représente que je suis apparu fortuitement sur un globe emporté dans l’espace au hasard des catastrophes célestes, quand je me vois entouré d’êtres aussi éphémères et aussi incompréhensibles que moi, lesquels s’agitent et courant après des chimères, j’éprouve l’étrange sensation du rêve. Je ne puis croire à la réalité qui m’environne. Il me semble que j’ai aimé, souffert, et que je vais bientôt mourir en songe. Mon dernier mot sera : j’ai rêvé » écrit Louise Ackermann, dans Pensées d’une solitaire, 1882.

Ce sont là des impressions que Nietzsche ou encore Borges avaient ressenties avec une intensité comparable, mais en leur conférant une note positive. Le rêve est peut-être plus fort que le monde supposé solide. Une immense bande dessinée en déroule les séquences. Le sentiment de réalité est sans conteste lié au fait que, d’un individu à l’autre, se noue la même structure noématique relativement aux essences de nos vécus. Il y a une régularité dans la perception des choses qui apparaissent en revenant toujours avec la même précision tandis que le monde part à la dérive, pris dans une infinité dont s’affolait Pascal.

Ce sont les phénomènes qui perdurent plus que les faits, dilués entre l’infiniment grand et l’infiniment petit. Ils imposent leur reconnaissance immédiate, sans l’ombre d’une hésitation. L’ontologie est phénoménologique : une apparition qui fait de notre existence un grain problématique dans l’immensité de l’espace et du temps. C’est le néant qui s’introduit dans l’être par bien des aspects spectraux, obligé de forer le puits de l’individuation…

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